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La dixième muse
J’accostais sur la terre des trois caps
Mes pieds caressaient les algues emmêlées de la pourpre marine
À l’ombre d’un figuier où les fruits s’imprégnaient de la langueur d’un sommeil
Je l’aperçus drapée d’une robe blanche opaline
Assise sur la verdure d’une sonnante sans pareil
Au milieu des troupeaux du soleil
J’invoquais le temps afin qu’il ne me rattrape
Muse délicate, tisseuse de violette, tu répands le parfum de l’amour agape
Je viens vers toi trouver l’apaisement de mes heures fanées
Mon sang bouillonne dans mes veines
Et ma sueur ardente goute sur tes terres brulantes.
Combien de murmures coururent de rumeurs en scandales
Quand tu étreignais de tes proses les femmes de Lesbos
L’insondable nuit occultait tes rêves aux senteurs de santal
Sur le duvet de l’herbe tu chantais Aphrodite et les douleurs que t’infligeait Éros
Les vierges oubliaient leurs lointaines contrées
Pour apprendre de toi l’art de la rime
Délaissant la tendresse des hommes
Tu déversais tes vers aux pieds de tes favorites intimes
Enfièvre les cieux de tes suaves cadences
Les monts de Catane survoltés par tes frasques aveuglantes
Et ta beauté d’une pudeur, lancinante, furtive
Est sans bornes et sans rives
« Envers vous, belle, ma pensée n’est point changeante.
Je ne trahis point l’invariable amour.
Mon cœur identique et mon âme pareille
Savent retrouver, dans la splendeur du jour,
L’ombre de la veille. »
« Et ma chair connut le soleil de ta chair.
J’étreignis la flamme et l’ombre et la rosée,
Ton gémissement mourait comme la mer
Lascive et brisée. »
« La savante ardeur de l’automne recèle Dans ta nudité les ambres et les ors.
Tu gardes, ô vierge inaccessible et belle,
Le fruit de ton corps ».
J’entrouvrais l’azur de ton voile et mes yeux rampaient sous le silence d’une étoile
Je m’obstinais vers un vol inopportun de mon cœur à ta main.
Les siècles ont embrumé ta splendeur
Car ceux à qui tu as fait du bien, t’outragèrent le plus
Ils ont depuis condamné Socrate
Pour laisser place aux arrogants phallocrates.
Jedj
La dixième muse
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