Un jeudi 12 décembre 1968

un jeudi 12 décembre 1968C’est l’histoire d’un gosse qui refait le portrait de sa famille, qui raconte ses souvenirs tantôt au présent, tantôt au passé, souvent il mélange. Mêlant argot, poésie et humour, ce récit à l’italienne nous plonge dans le quotidien d’une famille de 7 enfants. On y suit l’aventure buissonnière de Gerardo qui se déroule entre les barres d’immeubles et les terrains vagues de la cité Beausoleil.

Un jeudi 12 décembre 1968 : extrait 1

Un soir, mon père rentrait avec une mine étonnamment joyeuse après une journée de taf. Il tenait dans ses mains un papier et nous dit qu’à partir d’aujourd’hui, jeudi 16 septembre 1976, nous sommes français. Ben ça alors ! j’étais quoi avant ? Quand j’allais en vacances en Italie, on me disait « tiens v’la le français ». Mais à l’école, on me dit « tiens v’la l’italien ».

Je devais certainement vivre entre deux postes-frontière, car son dépôt de demande, il l’avait fait en octobre 1970, ça explique tout. Mais, là maintenant les choses sont claires, du moins sur le papier. Il est écrit, « sont naturalisés Français, réintégrés dans la nationalité française, blabla, les étrangers dont les noms suivent ».

Je suis une espèce de naturaliste allogène réintroduite. A choisir, je préfèrerais avoir affaire à un botaniste plutôt qu’à un taxidermiste. L’ambiance était à la fête, Benito devait nous expliquer qu’à partir de ce grand jour, notre vie allait changer. Qu’on allait pouvoir construire une maison et quitter la vie de quartier.

Un jeudi 12 décembre 1968 : extrait 2

Elle était romantique Toinette. À sa manière bien sûr. Disons que des fois il y avait des garçons qui pouvaient l’approcher sans se prendre une avoine. Parmi les prétendants il y avait Marcel. Un rescapé des beignes et des mandales que ma frangine distribuait généreusement. Bref ! L’élu. Le mec avait dû sacrément s’accrocher au cordage et baisser la grande voile pour ne pas prendre l’ouragan « Toinette » en pleine tronche.

Toinette ce n’est pas une mer d’huile. Pour peu que le jeune capitaine lâchât l’attention, il y perdait ses points cardinaux. Il ne savait plus où il habitait. Marcel avait tenu le cap. Fière d’être l’admiratrice du capiston, elle s’était fait tatouer, pour de faux, « Marcel je t’aime ». Là, franchement, le mec bravo ! Elle lui écrivait des lettres qu’elle lisait à mes sœurs, disant qu’elle ne dormait plus, ne mangeait plus. Pourtant, elle ne perdait pas de poids et avait une pêche d’enfer. L’amour, ça a une vie secrète.

Au milieu des hordes de barbares, Toinette avait trouvé son courrier du Tsar. Son Michel Strogoff. Et l’autre qui miaulait en bas de sa fenêtre comme Waldo Kitty un truc qui m’colle’encore au cœur et au corps.

Nos deux scarabées bourdonnent avec Voulzy. Peter Gabriel sortait « Solsbury Hill » et Toinette qui se la jouait « Sissi » en fredonnant « Chéri Amour » des Rubettes.

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